En
1811 BERZÉLIUS propose une théorie dualistique de
l'existence des composés. Si on peut électrolyser l'eau et les sels
fondus c'est que les corps purs sont constitués de deux parties. L'une
est basique et chargée négativement, l'autre est acide et chargée
positivement. La force qui les relie est électrostatique. On
connaissait les oxydes et leur affinité pour l'eau. Ceux des métaux
sont basiques et ceux des métalloïdes sont acides. Un composé est donc
la juxtaposition de deux oxydes.
Cela aurait pu faire le bonheur des minéralistes, mais
ne fit pas celui des organiciens, pour plusieurs raisons, pas toutes
très scientifiques.D'abord
l'électrolyse ne donne que dans de rares cas des dissociations de
composés organiques.
Quelques synthèses ont été réussies par KOLBE. En
voulant dissocier l'acide acétique, il obtint du CO2 et de l'éthane,
qu'il prend pour le "méthyle" radical libre très recherché à l'époque.De
plus, les organiciens sont très séduits par l'atomisme, que combat
BERZÉLIUS, fervent équivalentiste. Il déclare qu'on ne parviendra
jamais à préparer un composé organique par synthèse totale, car il faut
une "force vitale" que seul le corps vivant possède. Or son élève
WÖHLER au travail sur l'acide cyanique vient de faire la synthèse de
l'urée, composé éminemment organique à partir de matériaux totalement
minéraux. (La gaffe).
En
1832 WÖHLER et LIEBIG proposent une théorie de radicaux,
qui fait l'impasse sur la nature de la liaison chimique, et permet
d'écrire des réactions organiques. Une espèce chimique est composée
d'un radical sur lequel se fixe un atome ou un groupe d'atome. On peut
changer ce dernier pour obtenir un composé de la même famille que le
précédent .Ex
Rad H, Rad
Cl, Rad OH Si (pour nous) Rad = C6H5-CO-
On a l'aldéhyde benzoïque, le chlorure de benzoyle et l'acide benzoïque.
DUMAS
(équivalentiste) et LAURENT vont généraliser cette idée,
après la synthèse de l'acide chloracétique, ils proposent la théorie
des substitutions en 1835. "Dans l'acide acétique, on peut substituer
trois chlores aux trois hydrogènes du radical CH3 et obtenir ainsi
l'acide trichloracétique." et Dumas généralise "Quand un corps
hydrogéné est soumis à l'action déshydrogénante du chlore, du brome ,
de l'iode ou de l'oxygène .... pour chaque atome d'hydrogène qu'il
perd, il gagne un atome de chlore, brome, iode ou un demi-atome
d'oxygène." BERZÉLIUS s'étonna qu'on puisse substituer un élément
électronégatif (Cl) à un
élément électropositif (H).
GERHART,
WURTZ et LAURENT vont développer leur idées
en les systématisant dans la théorie de types . Ils
proposent trois types essentiels, l'hydrogène, l'eau et l'ammoniac en
1843. Dans un type on pourra remplacer par substitution, un H par un
radical, pour obtenir un autre composé. Exemple:
Type EAU
Ceci nous donne une première écriture des molécules organiques.
Rapidement le nombre de types va s'accroître avec H2S
et surtout CH4
En
1848, PASTEUR en recristallisant une solution de tartrate double de
sodium et d'ammonium isole deux types de cristaux différents,
de POUVOIR ROTATOIRE* égal et opposé. Il en conclut que la dissymétrie
du cristal résulte de la dissymétrie des molécules le constituant. Et
pour admettre une molécule dissymétrique il conclut: "La différence
entre ces deux acides provenait d'un arrangement spatial différent des
atomes."Cette
remarque
est déterminante pour l'avancement des idées, car si cette seule
différence de disposition peut être la cause d'une différence de
propriété observable, alors que le système équivalentiste s'avère
impuissant à représenter cette différence. Dans les deux types de
cristaux les rapports masses des éléments sont les mêmes, qu'ils soit
pris globalement ou même isolés en radicaux identiques. Seule la
disposition spatiale des atomes ou groupes d'atomes pourra justifier
ces comportements différents. Bientôt les
événements vont se précipiter.
1852 FRANKLAND introduit la notion d'atomicité qui
évolue en 1868 en VALENCE terme employé par WISCHELHAUS.
En même
temps (1858)
KEKULE VON STRADONITZ envisage les enchaînements de carbone,
tandis que COUPER propose de noter par un
trait une liaison entre deux atomes. Mais LOSCHMIDT
se heurte à la question de composé insaturés comme l'éthylène ou
l'acétylène. Il se résout, après avoir échoué dans la synthèse du
méthylène, à proposer les doubles et triples liaisons notées de deux et
trois traits superposés. KEKULÉ imagine en rêve (authentique)
la structure cyclique du benzène en 1895 et BUTLEROV va
inventer un état oscillatoire des liaisons pour
justifier le nombre d'isomère.
Enfin,
indépendamment , LE BEL et VAN'T HOFF proposent la
structure tétraédrique du carbone. Elle justifie toutes
les isoméries y compris l'isomérie optique. Malgré quelques
oppositions, ce modèle géométrique spatial des molécules finit par
s'imposer et conduit à l'écriture actuelle.
Une question, en suspend depuis BERZÉLIUS, n'est cependant toujours pas
résolue, celle de la liaison chimique.
Source: http://gfev.univ-tln.fr/H21/CultSci.html